L'ALIENATION PARENTALE
Ce site possède une vocation juridique.
Toutefois, certaines remarques ou questions posées par mes clients m'ont parfois fait dépasser le cadre juridique pour m'intéresser à des aspects sociologiques ou psychologiques d'un sujet.
C'est le cas pour l'aliénation parentale.
J'ai décidé d'en traiter ici ; toutefois ces développements n'ont pour vocation de se substituer à des études menées par des professionnels de la psychologie.
L'aliénation parentale a été définie par le pédopshychiatre GARDNER, comme "l'ensemble des manifestations psychopatologiques liées aux tensions auxquelles sont soumis les enfants dont les parents se déchirent après la séparation".
C'est une sorte de processus qui consiste à programmer un enfant pour qu'il haïsse un de ses parents sans que cela soit justifié.
En effet, la plupart des parents séparés ont tendance à impliquer leur(s) enfant(s) dans leur conflit, à faire la démonstration plus ou moins visible de leur compétence ou des carences de l'autre ; c'est un comportement assez naturel.
L'enfant est par nature intuitif : il va apprendre à s'autocensurer, à moduler son discours en fonction des attentes supposées du parent chez qui il vit habituellement.
Par contre, quand ce comportement naturel prend la forme d'une volonté, plus ou moins, patente, d'éradication de l'autre parent, voire d'un véritable "lavage de cerveau" des perturbations chez l'enfant sont inévitables => il demande à espacer les visites chez "l'intrus", il emet des critiques ; il finit par rejeter l'autre parent qu'il aime pourtant et dont il a besoin. Plus tard, il prendra conscience qu'il a été complice d'une grande injustice et risque de reproduire la même pathologie psychologique, tout en étant sujet à des symptomes de mal être profond.
Comment identifier le syndrome?
La tâche doit être confiée à un professionnel qui fait passer aux intéressés des tests.
Toutefois, GARDNER a identifié une grille de comportements.
- Le parent aliénant
Le parent aliénant sabote la relation entre les enfants et l'autre parent :
- refus de passer les communications téléphoniques aux enfants ;
- planifier des acitivités avec l'enfant pendant la période ou ce dernier doit être avec son autre parent ;
- dénigrer le nouveau compagnon de l'autre parent ;
- présenter son nouveau compagnon comme un nouveau père ou une nouvelle mère ;
- devant l'enfant dévaloriser ou injurier l'autre parent ;
- refus d'informer l'autre parent des événements importants de la vie de l'enfant ;
- prendre des décisions importantes sans consulter l'autre parent (par ex., choix de la religion) ;
- empêcher l'autre parent d'exercer "son droit de visite et d'hébergement" ;
- interdire à l'enfant d'utiliser des cadeaux de l'autre parent ;
- allégation d'abus sexuel par l'autre parent.
Le parent aliénant veut avoir le contrôle total de ses enfants.
Il va construire un système d'illusions, orienté vers la destruction du lien entre les enfants et l'autre parent : il feint de vouloir forcer, par exemple, les enfants à se rendre en visite chez l'autre parent ; il est très convaincant dans sa détresse et souvent les personnes impliquées dans le dossier croient sa version.
- L'enfant aliéné
Le parent aliénant transmet avec force des impressions négatives de l'autre parent : l'enfant ressent alors le besoin de protéger le parent aliénant, de choisir son "camp" par ce que c'est lui qui lui permet de survivre.
L'enfant aliéné va entretenir les mêmes illusions que le parent aliénant, dans un processus psychiatrique appelé "la follie à deux" :
- dénigrement par l'enfant de l'autre parent ;
- soutien délibéré de l'enfant au parent aliénant ;
- explications futiles de l'enfant à son comportement ;
- assurance de l'enfant quant à son jugement de l'autre parent (qui est souvent de la haine) ;
- l'enfant relate des faits qu'il n'a pas vécu ;
- l'enfant étend son comportement à l'entourage de l'autre parent.Trois stades du symptome sont dégagés :
- léger : dès que l'enfant est avec le parent aliéné, il manifeste rarement d'oppositions ;
- moyen : au moment du changement de parent, l'enfant conscient du discours que le parent aliénant veut entendre, va dénigrer l'autre parent ; puis, arrivé chez le parent aliéné, coupé, de l'alénant, va repredre un comportement coopératif ;
- grave : l'enfant ici est devenu quasi fanatique et va être tellement paniqué à l'idée de voir le parent aliéné (cris, panique, violence) que la visite devient impossible ; si la visite a lieu le comportement de l'enfant va être tel que le parent aliéné va être obligé de le ramener.
Le psychiatre Paul BENSUSSAN (http://www.paulbensussan.fr/), expert près les Tribunaux a contribué à attirer l'attention des différents intervenants dans ce domaine. Selon lui, la haine et le dégoût de l'autre sont le principal moteur de l'aliénation parentale.
Comment réagir face au syndrome?
Ce n'est qu'au stade moyen et grave qu'une intervention s'impose.
Une action thérapeutique et légale seront à combiner dans les deux autres cas. Action qui pourra aller jusqu'à transférer l'hébergement habituel de l'enfant.
Une médiation familiale pourra être aussi mise en place.
L'important dans ce traitement semble que l'action thérapeutique soit ordonnée par un juge avec un système de sanction à la clé.
Et les magistrats...
La plupart du temps les magistrats ignorent l'aliénation parentale, même si les avocats en font état dans leurs dossiers : ils ne font pas la distinction entre l'aliénation parentale et la souffrance légitime occasionnée par toute séparation.
Toutefois une décision récente se doit d'être signalée.
Le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de TOULON avait dans le dossier qui lui été soumis ordonné une expertise psychologique. Cette dernière a mis en évidence un lien entre le comportement des enfants et le discours négatif tenu par la mère à l'égard du père ..."de ce fait, les enfants ne s'autorisent pas à se rapprocher de leur père. Pris dans un conflit de loyauté, ils expriment un sentiment de culpabilité à l'égard de leur mère s'ils admettent voir leur père... Il est urgent de faire cesser cette dictature affective qui pèse sur les enfants... L'expertise psychologique a relevé une forte immaturité affective chez ses enfants qui sont instrumentalisés et dont l'épanouissement personnel est en danger... Ces enfants qui sont victimes du syndrome d'aliénation parentale, dont Mme M. est à l'origine, doivent maintenant pouvoir en toute sérénité avoir des contacts réguliers avec leur père, pour qu'ils puissent renouer confiance avec celui-ci, qui ne doit plus être une source d'anxiété alimentée par la mère..."
Sur cette décision une note intéressante : Note de Jean PANNIER
En conclusion, il faut rappeler un principe qui a été consacré par la Cour Eurpéenne des Droits de l'Homme (arrêt ELSHOLZ du 13 juillet 2000) : l'intérêt supérieur de l'enfant réside dans le droit fondamental d'avoir accès à ses deux parents.
La Cour s'est également basée sur l'article 8 de CEDH pour rendre des décisions précise sur le thème de l'aliénation parentale (notamment 18 janvier 2007, Zavrel C: Rép. Tchèque, n°14044/05). selon la Cour la non-réalisation du droit de visite du requérant de l'espèce est surtout imputable à la tolérance de facto par les tribunaux de la résistance constante de la mère et à l'absence de mesures visant à instaurer des contacts effectifs .
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Avocat généraliste au barreau de la Creuse