HISTOIRE DU DIVORCE
Le thème de l'histoire du divorce est forcément lié à celui de l'histoire du mariage et au thème de la liberté individuelle et de ses limites : est-ce une matière qui relève de l'intérêt collectif et qui nécessite donc une loi ou qui dépend de la seule liberté individuelle?
Son histoire est le reflet de la balance entre ces deux intérêts contradictoires, et touche aussi des aspects économiques et sociologiques fondamentaux.
Dans toutes les civilisations antiques, la répudiation et le divorce sont admis.
Chez les romains , on pratique de façon courante le divorce :
- par répudiation, conséquence du pouvoir marital sans limite ;
- par consentement mutuel.
et ce sont les romains qui ameneront le divorce en Gaulle.
A Rome, la femme a même acquis le droit de décider de se séparer de son mari et rien n'empêche les remariages.
Durant toute la période du Moyen-âge l'utilisation du divorce est banalisée : Charlemagne aura recours au divorce. La stérilité, l'adultère ou le choix d'un parti plus avantageux justifient pour les princes et les seigneurs la nécessité de renvoyer son épouse pour en épouser une autre.
Ce n'est qu'au XVIème siècle, sous la pression religieuse que le cours de l'histoire s'inverse : en 1563, le divorce est interdit par le concile de Trente.
L'Eglise qui suit la parole du Christ ("Tout homme qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et celui qui épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère") prone l'indissolubilité du mariage.
L'Eglise est alors une grande puissance politique. Elle consacre le patriarcat et la soumission de la femme ; par exemple en matière d'adultère les conséquences sont totalement différentes si l'on est un homme ou une femme (enfermement dans un couvent).
A cette époque le mariage est une affaire d'intérêts, mais c'est aussi un sacrement.
A la fin de l'Ancien Régime le mariage est de moins en moins respecté. Le siècle des "Lumières" et ses philosophes deviennent favorables au divorce (Voltaire et Montequieu notamment ) : le maintien dans les liens du mariage de deux personnes qui ne s'entendent plus est contraire à la nature humaine et l'on ne peut condamner une personne à vie au couple.
Ce sont les révolutionnaires qui vont bousculer l'ordre établi en désacralisant et en laïcisant le mariage :
- la constitution du 3 septembre 1791 institue le mariage civil : le mariage n'est plus qu'un contrat, qui doit pouvoir être rompu librement par l'accord des deux parties...
- la loi du 20 septembre 1792 institue le divorce : "la faculté de divorcer résulte de la liberté individuelle, dont un engagement indissoluble serait la perte"
Selon cette loi deux divorces sont possibles : le divorce par consentement mutuel et le divorce pour faute.
Les motifs qui penvent être invoqués sont nombreux : abandon, démence, incompatibilité d'humeur, condamnation à une peine criminelle, etc...
En 1803, 6% de couples divorcent.
Mais la loi est critiquée (femmes séduites puis abandonnées, faux mariages et multiplication des divorces pour tromper les créanciers).
L'anarchie est dénoncée : il faut rétablir l'ordre en renforçant l'autorité de l'Etat, du père et du mari.
Le Code civil de 1804 conserve le divorce mais sous une forme moins libérale et l'encadre ; à côté du divorce par consentement mutuel, un époux seul peut demander le divorce que dans certains cas : adultère, condamnation à une peine afflictive et infamante, sévices ou injures graves.
Bonaparte divorcera de Joséphine en 1809.
Sous la Restauration, le divorce devient incompatible avec le catholicisme proclamé religion d'Etat : la loi Bonald du 8 mai 1816 suprime le divorce (mais maintient la séparation de corps). La royauté de retour au pouvoir veut "rendre au mariage toute sa dignité dans l'intérêt de la religion, des moeurs, de la monarchie et de la famille".
Vers 1850, le thème du divorce réapparait dans les clubs féminins.
Vers 1875, alors qu'un certain esprit de liberté flotte et donc de liberté du couple, le député Alfred Naquet va déposer successivement trois propositions de loi dans le sens du divorce pour faute.
Après plusieurs échecs, le 26 mai 1884 s'ouvrent de nouveaux débats à l'Assemblée. S'y affrontent deux philosophies : la tradition catholoque contre l'esprit des lumières. Le conflit est très violent et tourne plus au débat politique, où le bon sens est vite oublié.
Lors de l'ultime vote, 355 députés votent pour et 115 contre. Le texte sera définitivement adopté par le Sénat le 27 juillet 1884.
Il s'agit d'un divorce sanction, pour adultère, injures, sévices, abandon du foyer conjugal. Il n'est plus possible de divorcer par consentement mutuel ou pour incompatibilité d'humeur. La preuve de la faute est donc indispensable.
Le divorce est prononcé soit aux torts exclusifs, soit aux torts partagés.
"L'innocent" peut prétendre à une pension et à s'occuper des enfants.
Cette loi fait l'effet d'un choc et s'en suivra des démissions massives dans la magistrature. Elle est en effet très libératrice pour la femme car l'homme a le pouvoir économique... et pourtant, elle va réglementer le divorce pendant presque cent ans, car les modifications subies entre temps seront mineures.
Une loi du 2 avril 1941 interdira par exemple, aux époux mariés depuis moins de trois de divorcer.
A la veille de la seconde guerre mondiale, l'homme et la femme sont presque égaux dans la famille, mais le mariage reste le modèle et le divorce ne doit pas être facilité.
Les années 1960 vient une grande mutation des moeurs : on se marie moins et plus tard.
Le divorce se banalise, mais il s'agit toujours d'un divorce pour faute. On parle alors de "divorce mis en scène" : les avocats fabriquent la procédure à l'aide de faux témoignages et de fausses lettres.
En 1974, le cap des 20 divorces pour 100 mariages est franchi et il est grans temps de penser à un nouveau divorce plus en adéquation avec les moeurs.
Initié par Monsieur Giscard d'Estaing, le 11 juillet 1975 la loi sur le nouveau divorce est promulguée, en dépit d'une opposition conservatrice, qui craint la suppression du mariage. Les débats portent aussi sur la question de savoir ce que l'on souhaite donner comme sens et comme contenu au mariage.
Le texte répond à la volonté de dédramatiser le divorce et de plus s'attacher à ses conséquences qu'à ses causes.
Le divorce pour faute est maintenu, le consentement mutuel est réintroduit, et le divorce pour rupture de la vie commune est créé. Est également instaurée la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité créée entre les époux par la séparation.
Cette loi crée également le Juge aux Affaires Matrimoniales (qui deviendra quelques années plus tard le Juge aux Affaires Familiales).
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Avocat généraliste au barreau de la Creuse